
Estelle Mathe
Chargée de projet marketing
https://empowill.com/blog/comment-fideliser-les-collaborateurs-dans-lindustrie
Le turnover dans l'industrie n'est plus un simple indicateur RH. C'est un signal stratégique, un baromètre de la santé sociale et organisationnelle des sites industriels. Avec plus de 3,1 millions d’emplois industriels en France (11 % de l’emploi national), le secteur fait face à un double défi : une hausse des départs (volontaires et involontaires) et des difficultés croissantes à fidéliser les compétences clés.
D’ici 2030, un million de départs à la retraite sont attendus dans l’industrie. Un chiffre qui s’ajoute à la volatilité croissante des plus jeunes générations, notamment la génération Z, dont la durée moyenne de fidélité à un poste est de 18 mois. Même des fonctions historiquement stables comme la qualité ou les méthodes sont désormais concernées.
Dans ce contexte, la priorité n’est plus uniquement de recruter. Il faut surtout préserver les compétences existantes. Or, un turnover mal maîtrisé entraîne désorganisation, perte de productivité et fuite des savoirs.
Avant de chercher des solutions, encore faut-il bien cerner l’ampleur et la nature du problème.
Le coût ? En moyenne, entre 6 à 9 mois de salaire par départ, auxquels s’ajoutent les impacts opérationnels : baisse de performance, surcharge des équipes restantes, perte de savoir-faire.
Trop souvent, les entreprises tentent de résoudre un problème de turnover sans en avoir identifié les causes précises. Or, sans diagnostic rigoureux, on risque de traiter les symptômes au lieu des causes.
💡 L’avis d’expert d’Empowill : Cette phase d’analyse consiste à répondre à des questions simples : quels services sont touchés ? Depuis quand ? À quelles périodes ? Sur quels métiers ?
L’objectif : récolter des faits, sans les interpréter trop vite.
Pour cela, on peut s’appuyer sur des outils concrets :
C’est une approche systémique : le turnover ne relève pas que des RH, il touche aussi l’organisation, les conditions de travail et les pratiques managériales. Et comme le souligne à juste titre Claire Tenailleau, structurer ses processus permet aussi de mieux mesurer, piloter et agir.
Une fois les données récoltées, place au terrain. On ne reste pas derrière son bureau : on enquête, on observe, on questionne. L’idée, c’est d’aller sur le terrain pour comprendre ce qui se joue réellement, en dépassant les hypothèses de surface.
Pour cela, plusieurs outils d’analyse sont précieux :
💡 Exemple : chez Decathlon, un turnover élevé touchait à la fois les entrepôts et les magasins mais pour des raisons totalement distinctes. D’un côté, un manque de visibilité sur les perspectives d’évolution ; de l’autre, un décalage entre les attentes des passionnés de sport et la réalité commerciale du terrain. Segmenter les problématiques par métier, site ou population est donc essentiel pour éviter les réponses trop génériques.
Une fois le diagnostic posé, l’action peut commencer. Mais attention à ne pas foncer tête baissée dans de grands projets structurants. La clé : prioriser les quick wins à fort impact.
Donner de la lisibilité aux équipes sur leur rôle, leur périmètre et leurs perspectives.
C’est le levier de fidélisation à moyen terme.
Bien plus que le salaire, ce sont les conditions périphériques qui font la différence.
Les meilleures idées viennent souvent du terrain. Impliquer les collaborateurs dès les premières étapes d’un projet RH permet d’ancrer les actions dans la réalité opérationnelle et de maximiser leur adoption. Ce n’est qu’en comprenant les contraintes, les irritants et les besoins vécus au quotidien que l’on peut imaginer des solutions réellement utiles et durables. La co-construction crée aussi un sentiment d’appartenance fort, en valorisant l’expertise de chacun.
"Il faut construire avec les équipes, parler le même langage, et définir une solution ensemble."
— Cyprien Boutard Geze
C’est une posture d’humilité et d’efficacité : les RH ne sont pas là pour imposer, mais pour faire émerger, structurer et accompagner.
Sans communication, même la meilleure initiative peut passer inaperçue. Et sans indicateurs, impossible de piloter, ajuster ou valoriser les efforts RH. Une fois les actions mises en place, il est essentiel de faire vivre la démarche à travers des rituels de suivi : enquêtes flash, feedbacks à chaud, indicateurs RH réguliers… Ces outils permettent de capter à la fois la perception des collaborateurs et les résultats concrets sur le terrain.
Mais il ne suffit pas de mesurer : il faut aussi partager. Communiquer de manière claire et transparente sur les avancées, les bénéfices observés et les prochaines étapes permet de renforcer la confiance, l’engagement, et d’éviter la fameuse “usine à gaz RH” perçue comme déconnectée du quotidien.
👉 Une action RH qui est visible, comprise et mesurée, c’est une action qui dure.
Sur un site de 500 salariés dans l’automobile, un taux de turnover de 22 % frappait une équipe technique clé. Diagnostic : flou organisationnel, manque de cadre et onboarding inexistant. En structurant les niveaux de poste, en créant un livret de compétences et en formant les tuteurs, les effets ont été immédiats :
Réduire le turnover dans l’industrie ne passe pas par une solution miracle, mais par une stratégie cohérente, itérative et ancrée dans le réel. Cela suppose d'accepter une part d’expérimentation, d’ajustement, et surtout, de constance dans l’action. En priorisant les actions simples à fort impact, en impliquant les collaborateurs dans la construction des solutions, et en structurant l’expérience de travail autour de parcours lisibles et motivants, vous créez bien plus qu’une réponse au turnover : vous posez les bases d’une culture d’entreprise solide, attractive et engageante. Une entreprise où l’on reste… et où l’on a envie de grandir.