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Comment (vraiment) fidéliser les collaborateurs dans l'industrie ?

Fidéliser les collaborateurs dans l'industrie
Alexandre Malarewicz
Alexandre Malarewicz
Co-fondateur
https://empowill.com/blog/comment-fideliser-les-collaborateurs-dans-lindustrie
Vidéo : Comment réduire le turnover dans l'industrie ?
Vidéo : Comment réduire le turnover dans l'industrie ?

Découvrez les conseils de 3 experts de l'industrie pour fidéliser efficacement vos collaborateurs terrain.

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Le turnover dans l'industrie n'est plus un simple indicateur RH. C'est un signal stratégique, un baromètre de la santé sociale et organisationnelle des sites industriels. Avec plus de 3,1 millions d’emplois industriels en France (11 % de l’emploi national), le secteur fait face à un double défi : une hausse des départs (volontaires et involontaires) et des difficultés croissantes à fidéliser les compétences clés.

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Un contexte alarmant

D’ici 2030, un million de départs à la retraite sont attendus dans l’industrie. Un chiffre qui s’ajoute à la volatilité croissante des plus jeunes générations, notamment la génération Z, dont la durée moyenne de fidélité à un poste est de 18 mois. Même des fonctions historiquement stables comme la qualité ou les méthodes sont désormais concernées.

Dans ce contexte, la priorité n’est plus uniquement de recruter. Il faut surtout préserver les compétences existantes. Or, un turnover mal maîtrisé entraîne désorganisation, perte de productivité et fuite des savoirs.

Comprendre le turnover pour mieux agir

Avant de chercher des solutions, encore faut-il bien cerner l’ampleur et la nature du problème.

  • Taux moyen de turnover : 15 % en France, mais jusqu’à 23 % pour les TPE.
  • Variations sectorielles :
    • Plasturgie (12-14 %),
    • Métallurgie (7-9 %),
    • Agroalimentaire (15-20 %),
    • Logistique industrielle (18-22 %).
  • Typologies :
    • Turnover anticipé (ex. : départs prévisibles comme les départs à la retraite).
    • Turnover subi (ex. : départs non anticipés comme les démissions ou ruptures imprévues).

Le coût ?

En moyenne, entre 6 à 9 mois de salaire par départ, auxquels s’ajoutent les impacts opérationnels : baisse de performance, surcharge des équipes restantes, perte de savoir-faire.

Comment réduire le turnover dans l'industrie ?

Étape 1 : Diagnostiquer pour objectiver le problème

Trop souvent, les entreprises tentent de résoudre un problème de turnover sans en avoir identifié les causes précises. Or, sans diagnostic rigoureux, on risque de traiter les symptômes au lieu des causes.

💡 L’avis d’expert d’Empowill : Cette phase d’analyse consiste à répondre à des questions simples mais qu'on oublie trop souvent: quels services sont touchés par un turnover élevé ? Depuis quand ? À quelles périodes / Y a-t-il une saisonnalité ? Sur quels métiers ?

L’objectif : récolter des faits, sans les interpréter trop vite. 

💡 Les avis des intervenants :
Cyprien Boutard, Cofondateur de Klaro, rappelle notamment dans notre webinar dédié au turnover dans l'industrie "qu"il ne faut surtout pas tomber dans la précipitation et choisir de fausses solutions. Il faut prendre le temps nécessaire du diagnostic qui est de loin l'étape le plus cruciale."

Claire Tenailleau, experte RH de l'industrie, rappelle quant à elle l'importance de ne pas interpréter trop rapidement le diagnostic. "On peut être biaiser par ce qui s'est passé historiquement et le cerveau peut être feignant sans le vouloir, aller vers la solution toute trouvée. À éviter !"

Et comment y arriver concrètement ?

Vous pouvez vous appuyer sur des outils concrets tels que : 

  • Les tableaux de bords existants : appuyez-vous sur les chiffres que vous avez déjà. Vérifiez tout de même leur fiabilité pour ne pas partir dans la mauvaise direction.
  • Le bâtonnage terrain (côté RH ou en production) : simplement, sur un tableau blanc avec un feutre, indiquer un irritant en particulier et faire inscrire un bâton à côté à chaque fois que les collaborateurs le rencontre. Basique mais efficace.
  • Les entretiens de départ ou d'offboarding, même rétroactifs ! Reprenez votre téléphone et rappelez les personnes déjà parties. Elles ont des informations précieuses.
  • Les enquêtes internes anonymes : avec des questions réccurentes sur le niveau de motivation, la charge de travail, les cadences sont-elles réalisables ? etc

C’est une approche systémique : le turnover ne relève pas que des RH, il touche aussi l’organisation, les conditions de travail et les pratiques managériales. Et comme le souligne à juste titre Claire Tenailleau lors de notre webinar, structurer ses processus permet aussi de mieux mesurer, piloter et agir.

💡 Les avis d'expert de Claire Tenailleau : "Dans l'ensemble des processus RH, chaque étape doit être définie. L'importance de processer ! Cela est crucial pour capter de l'information et de la donnée précieuse pour accompagner, embarquer ou analyser les départs."

Étape 2 : Identifier les causes racines

Une fois les données récoltées, place au terrain. On ne reste pas derrière son bureau : on enquête, on observe, on questionne. L’idée, c’est d’aller sur le terrain pour comprendre ce qui se joue réellement, en dépassant les hypothèses de surface.

💡 Les avis d'expert de Claire Tenailleau : "On a trop tendance à éloigner la fonction RH de la production. C'est un vrai problème car dans l'industrie, tout est au service de la prod', y compris le service RH donc c'est essentiel de passer du temps sur le terrain. Appuyez-vous sur les responsables de sites mais gardez en tête que le turnover reste un sujet RH."

Pour cela, plusieurs outils d’analyse sont précieux :

  • Le diagramme d’Ishikawa (ou en arêtes de poisson), pour cartographier les causes possibles d’un problème.

  • La méthode des 5 pourquoi, qui pousse à creuser jusqu’à la cause racine (et non, on ne s’arrête pas au troisième !).
    Exemple : Pourquoi David est parti ? Parce qu'il n'aimait pas son manager. Pourquoi ? Parce qu'il ne le formait pas. Pourquoi ? Parce qu'il n'avait pas de budget. Pourquoi ? Parce que c'est toujours les formations obligatoires et donc les mêmes personnes qui sont formées. Pourquoi ? Parce que l'obligation légale passe avant tout le reste et c'est dommage de ne pas trouver d'alternatives pour celles et ceux qui n'ont pas de formations obligatoires. Voilà le vrai problème.

  • Et enfin, un mini projet A3, un format souvent utilisé par les équipes opérationnelles pour formaliser une problématique, en croisant les points de vue. On y précise les faits, la problématique, les impacts, les hypothèses de solutions sur une page A3, et on commence à explorer des pistes d’action.

    Autre point clé : ne pas généraliser trop vite. Un même symptôme peut cacher des causes très différentes. 
💡 L’avis d’expert d’Empowill : Un exemple parlant chez Decathlon, un turnover élevé touchait à la fois les entrepôts et les magasins mais pour des raisons totalement distinctes. D’un côté, un manque de visibilité sur les perspectives d’évolution ; de l’autre, un décalage entre les attentes des passionnés de sport et la réalité commerciale du terrain. Segmenter les problématiques par métier, site ou population est donc essentiel pour éviter les réponses trop génériques.

Comment parler le même langage que le terrain ?

Passez du temps sur le terrain pour comprendre leurs enjeux, les irritants, leur jargon, leurs procédés, s'intéresser à leur quotidien. C'est faire le premier pas vers la compréhension de leur quotidien. Les collaborateurs rendront la pareille pour comprendre votre jargon et vos outils. Et surtout, pour vous comprendre, utilisez les mêmes outils (cités plus haut par exemple) !

💡 L’avis d’expert de Cyprien Boutard : Et un conseil, avant même de penser à une solution, définissez d'abord ensemble ce qui ferait que le ou les collaborateurs ou responsables de sites seraient satisfaits de la solution trouvées. Définir les attentes avant la solution permet d'être alignés et d'aller dans la même direction."

Étape 3 : Agir avec méthode

Une fois le diagnostic posé, l’action peut commencer. Mais attention à ne pas foncer tête baissée dans de grands projets structurants. La clé : prioriser les quick wins à fort impact. Comment avec 20% d'effort j'obtiens 80% de résultats.

1. Structurer l'organisation

Donner de la lisibilité aux équipes sur leur rôle, leur périmètre et leurs perspectives.

  • Clarifier les niveaux de poste
  • Réduire les irritants liés à l’organisation
  • Éviter la surcharge ou la confusion des rôles

Également, équipez-vous d'outils de gestion de projet pour structurer la mise en place d'initiatives (modèle PDCA ou matrice projet A3 pour piloter les projets).

2. Développer une politique de carrière et de formation

C’est le levier de fidélisation à moyen terme.

  • Structurer et ritualiser les entretiens de carrière, dès l’onboarding. En faire un moment d'échange privilégié entre le responsable et le collaborateur pour prendre le temps de partager de la reconnaissance, du feedback et prendre les demandes.
  • Créer un plan de montée en compétences clair : créez un référentiel de compétences par poste, évaluez les compétences de chaque collaborateurs pour faire de la vraie GEPP et les projeter sur l'avenir pour les engager.
  • Privilégiez la formation continue pour maintenir l’employabilité de vos collaborateurs.

3. Adapter la politique de rémunération et d’avantages

La rémunération est souvent la première cause de départ d'une entreprise. Bien plus que le salaire, ce sont les conditions périphériques qui font la différence. Il existe une multitude d'avantages salariés, complémentaires au salaire, qui peuvent véritablement faire la différence. Également offrir la reconnaissance symbolique du salaire à travers d'autres leviers.

  • Aide à la mobilité, aide au logement, à la parentalité ou au sport
  • Flexibilité horaire adaptée aux réalités de terrain
  • Reconnaissance des parcours individuels
Agir avec méthode

4. Co-construire avec les équipes

Les meilleures idées viennent souvent du terrain. Impliquer les collaborateurs dès les premières étapes d’un projet RH permet d’ancrer les actions dans la réalité opérationnelle et de maximiser leur adoption. Ce n’est qu’en comprenant les contraintes, les irritants et les besoins vécus au quotidien que l’on peut imaginer des solutions réellement utiles et durables. La co-construction crée aussi un sentiment d’appartenance fort, en valorisant l’expertise de chacun.

"Il faut construire avec les équipes, parler le même langage, et définir une solution ensemble."
Cyprien Boutard Geze

C’est une posture d’humilité et d’efficacité : les RH ne sont pas là pour imposer, mais pour faire émerger, structurer et accompagner.

5. Communiquer et mesurer

Sans communication, même la meilleure initiative peut passer inaperçue. Et sans indicateurs, impossible de piloter, ajuster ou valoriser les efforts RH. Une fois les actions mises en place, il est essentiel de faire vivre la démarche à travers des rituels de suivi : enquêtes flash, feedbacks à chaud, indicateurs RH réguliers… Ces outils permettent de capter à la fois la perception des collaborateurs et les résultats concrets sur le terrain.

Mais il ne suffit pas de mesurer : il faut aussi partager. Communiquer de manière claire et transparente sur les avancées, les bénéfices observés et les prochaines étapes permet de renforcer la confiance, l’engagement, et d’éviter la fameuse “usine à gaz RH” perçue comme déconnectée du quotidien.

👉 Une action RH qui est visible, comprise et mesurée, c’est une action qui dure.

​​Exemple Inspirant : Réduire de 22 % à 10 % le turnover en site Automobile

Sur un site de 500 salariés dans l’automobile, un taux de turnover de 22 % frappait une équipe technique clé. Diagnostic : flou organisationnel, manque de cadre et onboarding inexistant. En structurant les niveaux de poste, en créant un livret de compétences et en formant les tuteurs, les effets ont été immédiats :

  • Moins de ruptures en période d’essai
  • Remobilisation des équipes
  • Meilleure transmission des savoirs

Mettre en œuvre : 5 projets RH pour contrer le turnover

 Nos recommandations RH

En conclusion : une démarche systémique et progressive

Réduire le turnover dans l’industrie ne passe pas par une solution miracle, mais par une stratégie cohérente, itérative et ancrée dans le réel. Cela suppose d'accepter une part d’expérimentation, d’ajustement, et surtout, de constance dans l’action. En priorisant les actions simples à fort impact, en impliquant les collaborateurs dans la construction des solutions, et en structurant l’expérience de travail autour de parcours lisibles et motivants, vous créez bien plus qu’une réponse au turnover : vous posez les bases d’une culture d’entreprise solide, attractive et engageante. Une entreprise où l’on reste… et où l’on a envie de grandir.